samedi 12 novembre 2011

Abandon

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Lily's Theme by Alexandre Desplat

Leurs parents sont décédés dans un accident de voiture. Ils ne veulent absolument pas être séparés. Il est rare pour nous d’exiger une telle requête, mais le petit semble complètement déboussolé sans son aîné.

Le directeur de l’orphelinat se laissa basculer légèrement en arrière sur son siège, croisant les mains en observant le couple en face de lui. Ce qu’il n’avouait pas, c’était qu’il voulait absolument se débarrasser de ces deux petites terreurs. L’un se donnait un malin plaisir à torturer les animaux tandis que l’autre s’évertuait à ligoter et frapper ses camarades de chambrée. Jamais le directeur n’avait eu à assister à de telles atrocités. Un vent de panique soufflait dans les rangs de l’orphelinat lorsqu’il s’agissait de s’occuper des enfants Hewitt. Quand l’occasion se présenta, le vieil homme se précipita pour pré-remplir les dossiers de sortie. Ces enfants devaient être placés, coûte que coûte.

Ils ne sont pas turbulents, j’espère ? Loin de moi l’idée de les juger, mais vous savez ce que c’est… Perdre ses parents doit être une épreuve atrocement difficile. Dieu seul sait ce qu’il leur passe par la tête à cet âge.
N’ayez crainte, Madame. Ce sont très certainement les deux enfants les plus sages et les plus serviables qui soient. Les nourrices sont d’ailleurs extrêmement attristées de les voir partir. Nous étions tous très attachés à eux, vous savez.
Quand pouvons-nous les emmener chez nous ?

Un sourire forcé étira les lèvres desséchées du directeur. Le couple signa sans rechigner les dossiers d’adoption, fier de ramener deux têtes juvéniles dans leur sobre foyer. Aux fenêtres du château, l’on pouvait apercevoir les femmes de ménage, les cuisiniers, les professeurs, les orphelins et le reste du personnel. Tous souriaient, feintant la tristesse avec leurs mouchoirs blancs dans leurs mains. Seulement, lorsqu’ils furent assurés que la voiture qui avait emmené les garçons Hewitt s’était bel et bien éloignée, ils laissèrent éclater leur joie, leurs cris d’euphorie retentissant à travers toute la demeure.

À l’arrière de la voiture, les deux garçons observaient le paysage. Tout était silencieux. La mère ne cessait d’essuyer son visage de son mouchoir en soie. Elle était heureuse; elle qui n’avait jamais eu la chance de pouvoir enfanter, elle allait ramener deux jolis minois chez elle. Elle allait enfin fonder une famille. À ses côtés, conduisant sereinement la voiture, son mari avait posé une main réconfortante sur sa cuisse. Tout cet amour étranger écœura Gwendhal au plus haut point. Ébouriffant d’un geste sa chevelure rousse, il se laissa aller sur la banquette, posant sa tête contre le cuir. Lloyd ne cessait de le fixer. Âgés de onze et douze ans, ils étaient déjà bien trop rusés et machiavéliques. Le petit brun laissa glisser sa main vers la cuisse de son frère dans un sourire entendu. Gwendhal ne bougea pas d’un pouce, observant leurs nouveaux parents dans le rétroviseur. Lloyd s’amusa à caresser Gwendhal, les yeux rivés vers les lèvres de son cadet. D’un geste vif, le roux attrapa sans ménagement la main de son frangin et la plaqua contre sa propre entrejambe. Ils se mirent à sourire étrangement, avant de cesser leurs attouchements au moment où la jeune femme jeta un œil dans le rétroviseur. Lloyd reporta son regard vers le paysage, Gwendhal fit de même. Tout restait silencieux.

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